DAEDALUS REEF (6 et 7 juin)
Le récif de Daedalus (Abu el Kizan) est le plus éloigné des récifs égyptiens de la Mer Rouge. Il se situe à 52 miles nautiques (95 km) à l'est de Marsa Alam. C'est un récif corallien circulaire, perdu au milieu de nulle part, qui remonte des profondeurs de plus de 500 m. Ce récif, 600 m de long pour 300 de large, est un parc national, comme les Brothers. Le platier est dominé par un phare, posé sur une structure en béton, que nous aurons l'occasion de visiter.
Lundi 6 juin, réveil à 5 heures du mat'. Et vous appelez ça des vacances ?
Petite collation et briefing. Un briefing comme je les aime, plein de surprises.
"Vous basculez, vous vous rejoignez à 5 mètres, vous vous éloignez du récif vers le bleu, vous vous maintenez vers 20-25 mètres, et là, vous attendez ... vous attendez ... vous attendez..."
Mouais..., on attend que le mano nous signale 120 bars, pour pouvoir un peu profiter de la plongée. Parce que pendant 20 minutes, nous avons attendu ... attendu ... attendu ... les requins-marteaux qui ne sont pas venus, les affreux ! Heureusement qu'un gros napoléon est venu nous distraire quelques secondes, parce que là, on voyait du bleu ... du bleu ... du bleu !
A 120 bars, on rejoint donc le récif pour choper le courant qui va nous porter pendant la visite du Tombant Est, qui recèle, entre autres belles choses, un monumental ensemble de "corail tuile". Encore un napoléon qui vient nous faire un brin de causette. Ces énormes poissons (qui peuvent mesurer jusque 2.30 m et peser jusque 190 kg) ont, je pense, été habitués aux plongeurs nourriciers, et du coup, viennent chercher leur pitance auprès de nous. Nous en verrons beaucoup au cours de nos plongées égyptiennes.
Cette plongée, même sans requin, a été fort agréable : les tables de corail tuile apparaissent de loin, tellement elles sont immenses. Et dire qu'elles ne sont constituées que de minuscules animaux, un genre de HLM à polypes.
Puis un mouvement sur le récif capte mon attention : une murène javanaise, entièrement sortie de son trou, semble nous inviter à l'approcher. Nous nous apercevons qu'elle est en pleine séance de nettoyage de peau, ravalement de façade, diraient certains.
Après cette première plongée sur Daedalus, p'tit déj., sieste, visionnage et premier tri des photos. Puis la cloche retentit : "briefiiiiing !", ça chôme pas ici. La deuxième plongée aura lieu sur le tombant ouest.
Briefing : "vous basculez, vous vous rejoignez à 5 mètres, vous allez dans le bleu à 20-25 m, et vous attendez ... vous attendez ... " et là, j'ai comme une impression de déjà vu !
Sur le zod' qui nous mène au point d'immersion, j'allume mon APN et le règle sur mode caméra, au cas où. Nous basculons, et là, juste en-dessous, c'est un banc de thons et de carangues qui passe, imperturbable. OK, ça démarre bien !
A peine 5 minutes passées à scruter les profondeurs, que deux formes caractéristiques se dessinent dans le bleu, et remontent vers le tombant, en effectuant un large arc-de-cercle. Nous descendons jusque 40 mètres, pour une meilleure vue des bestiaux, histoire d'être sûrs que ce n'est pas une hallucination : mes premiers requins-marteaux, filmés et photographiés. Un bon petit shoot d'adrénaline !
Oh Yesssssss !
Alors que le groupe se sépare, je reste avec mon binôme dans les 20-25 mètres, quelques minutes de plus. Et à nouveau, deux marteaux (les mêmes ?) passent à proximité, puis s'éloignent.
A cette profondeur, et avec le mouvement, l'image n'est pas extra mais on s'en contentera. Y a pas à dire, la plongée, ça rend marteau !
Il est temps de rejoindre le tombant, où, après quelques coups de palmes, nous arrivons sur une merveille : "ANEMONE CITY". Un extraordinaire jardin d'anémones magnifiques (heteractis magnifica) s'offre à nous. Sur un immense périmètre, d'innombrables anémones et leurs occupants s'agitent dans le courant. Comme un lotissement à poissons-clowns.
Le tableau est ... je suis à cours d'adjectifs.
Le tableau est ... saisissant !
Mais mon regard est très vite attiré par une tortue qui se jette goulument sur un corail brocoli (lytophyton arboreum), et le déchiquette joyeusement, en nous ignorant royalement.
D'autres, après nous, la verront s'attarder sur une grande anémone, la mordre à pleine bouche - elle aime sans doute les plats bien épicés - et se faire attaquer par les poissons-clowns, furieux de cette violation de domicile. Un grand moment !
Remis de nos émotions, nous finissons notre parcours, avec une autre belle rencontre : une myriade de poissons de verre évoluant dans le courant, semblant jouer avec les reflets du soleil.
Une fois au bateau, les commentaires allaient bon train, l'ambiance montait. Pour beaucoup, c'était les premiers requins en plongée. Monique, fraîche Niveau 2, fêtait sa centième de bien belle façon. Pour d'autres, les requins, ce serait pour une prochaine fois.
La troisième plongée du jour (vive le NITROX !) s'est faite sur le tombant sud du récif, un tombant qui rejoint un platier vers 25-30 mètres. Plongée où nous aurions pu voir un requin renard, j'ai bien dit "aurions pu"... Ce que je retiendrai de ce site, c'est l'omniprésence des balistes, notamment de Balistes à Tête Jaune (balistoides viridescens), habituellement assez farouches, mais qui là s'approchaient très près de nous, et venaient s'empiffrer de coraux mous, à portée d'APN, dévoilant leur superbe dentition. Bon, avec la première nageoire dorsale relevée, peut-être nous intimaient-il l'ordre de décamper?
Après cette plongée, direction le phare : visite du propriétaire, montée au sommet, la vue d'ensemble du platier est époustouflante. "Thé-chicha-tee shirt" party pour conclure cette première journée sur Daedalus Reef.
Le jour suivant nous réservait encore quelques belles surprises. Les plongées étaient les mêmes que la veille, le briefing, itou. Je plongeais ce jour-là avec l'un des malchanceux de la veille.
Attendre, attendre, attendre. Et toujours rien de ce côté, si ce n'est ces myriades de fusiliers de Suez (caesio suevica)...
L'autre fait marquant de cette plongée, c'est cette altercation évitée de justesse avec une murène, alors que nous passions l'ensemble de corail tuile. Ma palme est passée à ras de la tête d'une murène, tranquillement planquée sous une table de coraux. Mon binôme attendait avec impatience la morsure au mollet, le jaillissement du sang, et l'arrivée des requins. Si c'est pour rendre service !
Bon, ben, toujours pas de marteaux pour mon binôme.
Peut-être la prochaine ...
et là, nous avons été servis !
Cinquième plongée sur Daedalus, tombant nord-ouest, c'est le jeune Yusef qui pilote le zodiac qui nous transporte (je fais remarquer à binôme que c'est avec Yusef que j'ai vu mes premiers requins, la veille). Alors que nous patientons depuis 16 minutes à 25 mètres, thons et carangues nous divertissant par moments, nous commençons à désespérer, le temps nous est compté.
Je m'intéresse quelques instants à un passage de carangues au-dessus de nos têtes, et c'est alors que quelqu'un essaie de me voler mon bloc. En fait, binôme est tellement surexcité, qu'il me secoue comme un prunier pour me montrer ces formes qui approchent. Un, puis deux, trois, quatre, cinq requins nous passent en-dessous, à une dizaine de mètres. C'est la folie, on se regarde comme deux gamins. On devine les sourires sous les embouts. On décide de patienter encore un peu. Un sixième requin, solitaire, s'approche de nous avant de bifurquer. Alors lui, il n'est pas passé loin.
Nous décidons de rester dans le bleu, et de longer le récif à distance, des fois que ...
Idée grandiose, à peine quelques minutes plus tard, ce sont 7-8 squales qui font leur passage, sous nos palmes, à environ 30 mètres de profondeur. C'est l'extase : on en voulait, on en a eu ! Un groupe aura la chance de les voir à peine mis à l'eau. Voilà une plongée vite amortie ! Nous finirons la plongée près du récif, toujours à scruter dans le bleu.
Au sortir de cette plongée, notre temps sur Daedalus prend fin. Nous voguons vers Elphinstone Reef, étape pour rejoindre les îles Brothers. Nous y effectuerons une plongée "au crépuscule". Plongée foklo : trop de monde, trop de phares, trop petit périmètre. Cependant, beaucoup de belles choses à voir : clowns, comatules, gorgonocéphales, syngnathes, holothuries et rascasses volantes étaient de sortie. Et les photos au flash, la nuit, n'ont pas le même rendu que le jour.
A suivre ...