Parmi les fanatiques des épaves, les amoureux des vieilles tôles, il est un personnage hors du commun. Car comment définir autrement un photographe qui s’obstine à utiliser le coûteux et risqué argentique à l’époque du tout numérique, facile et rapide.
Patrice Strazzera, photographe narbonnais, a su, par ces clichés argentiques en noir-et-blanc, sublimer les vaisseaux engloutis qu’il a visités au cours de ses innombrables plongées. Il n’aime pas être catalogué comme une "pointure" du monde de la photo sous-marine. Et pourtant !
Et pourtant, nombreux sont les apprentis photographes qui s’essaient au noir-et-blanc, après avoir consulté ses livres, ou simplement vu quelques-unes de ses images. Sans grands résultats.
Et pourtant, même s’il n’a pas inventé la photo noir-et-blanc, il l’a élevée au rang d’art. Ceci est bien sûr mon avis de profane. Mais que dire de ce plongeur, parce qu’il est plongeur avant tout, … que dire de ce plongeur qui visite tout d’abord un lieu de mémoire avant de "plonger une épave", que dire de ce photographe qui assure que les épaves ont une âme, qui n’oublie jamais qu’une épave est souvent le résultat d’un drame humain, qu’une histoire est toujours à découvrir …
Que dire de Patrice, qui est capable de rester de longues minutes devant une échelle, tentant d’imaginer les matelots la monter, devant l’hélice, à jamais immobile, d’un avion oublié, une ancre de bateau, une bouche d’aération, pour toujours en tirer le meilleur cliché, toujours en trouver un angle inédit.
Et que dire, quand il affirme que les chaudières ont un visage !
Ma récente rencontre avec lui, lors de mon séjour dans les Pyrénées Orientales, a été riche en émotions. D’abord accueilli de belle manière dans son atelier, j’eus ensuite le plaisir de descendre avec lui, sur l’une de ces carcasses qui le fascinent tant, le Saumur.
Je ne suis bien sûr pas rentré les mains vides de ce court périple sur la Côte Vermeille : "Les souvenirs", " L’odyssée" et "Chimères" sont venus enrichir ma div’othèque. Deux ouvrages manquent encore à l’appel pour compléter la série. Je compte sur mon bouquiniste préféré pour me les dénicher d’ici peu.
En attendant, je vais pouvoir revisiter le Togo, le Donator, le Grec, le B17 de Calvi, le Messerschmitt ... J'écris bien revisiter, car ces épaves ont un peu évolué depuis la parution des albums, subissant sans cesse les outrages du temps ... et des plongeurs. Les photos de Patrice me permettent de revivre certaines plongées, avec un œil différent, découvrant de-ci de-là une ancre, un canon, un mât ... Elles apportent également un témoignage non négligeable pour l'avenir, quand ses belles englouties ne seront plus qu'amas de tôles informes.